Autour du Cheval Blanc du 02 au 09 juillet 2022

25 janvier Reportages

Participer à un séjour HCE c’est goûter un peu à cette magie qui nous entoure mais qu’il faut savoir regarder, cette magie qui se révèle lorsque l’on retire toute forme d’artifice pour ne garder que l’essentiel. La semaine passée avec la horde de valeureuses et valeureux joëlletistes à arpenter les sentiers alpins de Haute-Provence autour du massif du Cheval Blanc fut une nouvelle invitation à nous délester de ce qui n’était pas strictement nécessaire, comme nous l’a rappelé Olivier dès le premier briefing autour de la table dressée dans le pré de Serge et Yvette, au cœur du hameau des Laugiers.

Les rayons obliques d’un soleil ayant déjà bien entamé sa descente nous enveloppaient de leur lumière dorée, Immentso se délectait paisiblement de l’herbe fraiche un peu plus loin et nous écoutions notre guide à la voix cassée nous informer du déroulement de la semaine.
Deux boucles de trois jours, possibilité éventuelle d’avoir accès au camion sur les trois premiers jours, en fonction de l’état du terrain que nous allons arpenter. Dans tous les cas, prière de voyager léger. Inutile de s’encombrer. Ce qu’il y a de magique, par exemple, avec les séjours HCE, c’est qu’il suffit d’un peu de bon sens pour rapidement prendre ses marques.
Il suffit d’être attentif aux autres et de se rendre disponible pour le bien-être collectif afin de trouver sa place et c’est là que le retour à l’essentiel s’opère. Livrés à nous-même, de quoi avons-nous besoin ? Des repas de Marie-Anne, de l’eau qu’il nous faudra transporter précieusement et d’avoir de quoi dormir confortablement. Le reste du temps nous œuvrerons à la bonne vie du groupe et à notre marche commune vers des sommets dont le premier sera le pas de la Faye à 1673 mètres d’altitude.

Après une nuit à la belle étoile pour la majeure partie du groupe, l’heure est venue de remonter sur les joëlettes pour les passagers, de retrouver les sensations ou de les découvrir pour les accompagnants.
C’est aussi l’heure de la découverte de la randonnée en montagne pour Hasan, le non-voyant de l’équipe et la naissance d’une véritable cohésion de groupe forgée par l’effort partagé. Car que si les relations se tissent aussi facilement, aussi rapidement et aussi solidement au sein du groupe, c’est parce que nous nous devons d’être solidaire dans l’effort et en ce premier dimanche de juillet, le soleil estival a décidé de venir tester notre résilience en déployant toute sa puissance. Il fait chaud, même pour Myriam et ses trois pulls qui ne la quittent jamais.
Le sentier dessine ses virages au milieu d’une végétation basse et sèche qui ne nous offre aucun coin d‘ombre et qui nous fera apprécier à leur juste valeur les arbres qui constitueront le petit sous-bois où nous passeront notre pause déjeuner.

La rudesse des conditions ne fait qu’augmenter la solidarité dans l’effort et rend chaque moment partagé un peu plus précieux, à la fin de la première journée nous avons déjà l’impression de nous connaitre depuis longtemps. Entre temps nous aurons apprécié la vue depuis le pas de la Faye, Hasan aura pu sentir le vide qui s’étalait devant lui en écoutant le vent s’engouffrer dans la vallée pour remonter vers la crête de la barre des Dourbes depuis laquelle nous admirions le vol de quelques rapaces. Olivier et Yovann auront réussi à monter le camion jusqu’au campement, Manon, la voisine d’Yvette qui nous aura accompagné sur toute cette première journée aura pu reconnaitre les patous du berger qui gardaient leurs brebis et vinrent vérifier que nous ne présentions aucun danger pour leur troupeau.

Toute la journée, l’imposant massif du Cheval Blanc aura élevé ses falaises de calcaire à plus de 2300 mètres sur notre droite, et face à nous, ce soir, se dresse le pas d’Archail avec sa clairière dorée qui nous indique la présence des bergers à l’alpage. C’est lui que nous franchirons le lendemain pour nous rendre jusqu’au sommet du Cucuyon, hors sentier, laissant les joëllettes tracer leur chemin à travers les herbes hautes qui tapissent la cime des montagnes.
Une journée aérienne nous permettant d’apprécier les différents panoramas qui nous offrent la possibilité de prendre de la hauteur pour mieux observer le monde d’en bas et nous invitent à ajuster notre regard. Que les villages nous paraissent petits vus d’ici, quelle grâce dans la courbe de ces lignes de crête qui s’élancent devant nous et semblent s’étirer jusqu’à l’infini, si loin devant nous qu’il devient difficile d’estimer les échelles de distances.
Grâce au regard expert de Yovann, nous pourrons toutefois nous plonger dans notre première lecture de paysage, perchés sur un rocher au bout de la crête de la Coste, afin de comprendre comment s’est formé le tableau qui nous fait face. Car les montagnes aussi sont vivantes et ont une histoire que notre guide sait déchiffrer dans la morphologie de leur roche. Maintenant, en plus des échelles de distances, nous devons aussi essayer de considérer les échelles de temps auxquelles les explications de Yovann nous renvoient. Des temps immémoriaux pendant lesquels toute la surface de la planète était différente, la mer recouvrait les montagnes sur lesquelles nous nous tenons aujourd’hui, des fleuves et des glaciers seront ensuite venu dessiner les vallées et les plateaux dans lesquels la vie s’est développée, un gigantesque ballet géologique que nous écoutons avec émerveillement avant d’aller déjeuner sur un autre sommet depuis lequel nous pourrons observer le ciel bleu se couvrir de lourds nuages qui viennent dans notre direction.

Changement d’ambiance pour le retour, nous expérimentons un nouvel aspect de la montagne. Le vent s’engouffre sur la crête et vient balayer les herbes hautes, les gouttes de pluie nous fouettent le visage, nous sommes minuscules et vulnérables face à la puissance des éléments mais, ensemble, nous sommes vivants.

Les nuages poursuivront leur chemin et le soleil réapparaitra en fin d’après-midi, l’infatigable Anick trouvera même la motivation de retourner au pas d’Archail, en courant, pour aller voir son coucher depuis cette clairière dorée qui s’élève au-dessus des mélèzes. De quoi faire rire Jérôme et les membres de l’équipe qui l’entourent après qu’il nous ait montré ses exploits lors du dernier championnat de France de foot-fauteuil.

Les affinités commencent à se préciser, la magie d’un séjour HCE c’est aussi de réunir des personnes de tous horizons autour d’un objectif commun plein d’humanité qui nous pousse à voir dans nos différences le foyer de notre complémentarité. Il n’y a qu’à regarder autour de nous, la nature n’a jamais aimé l’uniformité, elle ne prône que la diversité et notre groupe ne déroge pas à cette règle universelle. Rien de tout ça ne serait possible sans la participation de chacun des membres de l’équipe, c’est un véritable bonheur d’apprendre à se connaître les uns les autres, un enchantement d’imaginer des vies si différentes qui nous ont toutes menées à ce même rendez-vous autour d’une idée qui relève à la fois du génie et de l’absurde, emmener des personnes qui ne peuvent pas marcher au sommet des montagnes. Dans cette entreprise un peu folle nous sommes liés par la bienveillance et les moments de complicités ont la saveur du nectar le plus raffiné.
Regarder le sommet du Couard et se dire que demain, Myriam, Christine, Henri, Jérôme et Hasan seront avec nous, tout en haut, ça aussi c’est magique. Ce qu’il faut éviter de se demander, c’est comment va-t-on réussir à s’y prendre. Nous allons le faire, tout simplement. Nous trouverons toujours un moyen de franchir tous les obstacles, il faut simplement coordonner nos efforts.

Nous organisons les cordées, réajustons en fonction des passages difficiles et nous prenons une nouvelle fois de la hauteur. 1989 mètres cette fois-ci. Certains avant nous ont hissé une croix jusqu’ici, d’autres ont amené un drapeau tibétain et nous laissons quelques mots dans la petite boite métallique prévue à cet effet pour les voyageurs et les voyageuses qui viendront après nous.

Que celles et ceux qui pensaient que le plus dur serait la montée se détrompent, Olivier nous réserve une descente rocambolesque, loin des sentiers battus, le long de la crête de Causse et de ses rochers sauvages qui nous remuent dans tous les sens et viennent tester nos aptitudes techniques et physiques.

De la Joëlette tout-terrain et du Hasan de haut niveau. Nous retrouverons le hameau des Laugiers en fin d’après-midi, après une toilette régénératrice au jet d’eau ou dans la rivière, nous aurons le privilège de pouvoir apprécier un festin préparé par tante Corinne, la tante de Manon, pour célébrer la fin de cette première moitié de séjour. L’occasion aussi de récupérer un troisième guide, Aurélien, dont l’aide ne sera pas de trop pour les prochains jours.

Une nouvelle nuit à la belle étoile, on peut clairement remarquer que nous nous sommes rodés dans l’organisation de la vie de groupe depuis notre première soirée ici, nous comprenons chaque jour un peu mieux les habitudes et les besoins des passagères et des passagers que nous essayons de contenter de mieux que possible. Éviter de faire rire Christine quand elle boit à la paille, parler de l’OM et de la Roma à Henri pour le faire sourire. Préparer une tente pour Myriam et utiliser le reste du matériel pour essayer de caler Jérôme sans oublier de lui surélever les pieds.

Le lendemain matin nous prendrons la route en direction d’un autre hameau, de l’autre côté du massif du cheval blanc, La Valette, où nous garerons les voitures en bord de route, près d’un bras de l’Issole avant de monter en direction de la cabane de Boules.
Le décor a changé, les montagnes n’ont pas le même caractère par ici. La civilisation, elle, nous semble toujours plus loin, de jour en jour. La beauté du tracé de cette semaine autour du Cheval Blanc vient de sa nature sauvage qui nous garde au plus proche de la montagne, dans un confort rudimentaire qui nous permet de couper pleinement avec nos rythmes de vie habituels.

Nous sommes plongés dans l’instant présent, et en arrivant à cette cabane troglodyte de Boules, nous nous organisons pour aller récupérer du bois et de l’eau afin de remplir nos gourdes et de pouvoir cuisiner en utilisant la chaleur du poêle. Nous dinerons en observant le versant qui nous fait face à la recherche de chamois ou d’autres animaux. Selon notre guide et expert Yovann, nous avons 90% de chance d’en apercevoir en restant ici toute la soirée.
Ses prédictions s’avéreront une nouvelle fois des plus justes et quand la nuit sera tombée, les dormeurs et les dormeuses qui auront encore une fois fait le choix de la belle étoile pourront profiter des connaissances intarissables de notre guide qui s’étendent aussi à l’astronomie. Une lecture du ciel nous invite cette fois à prendre la mesure du cosmos qui nous entoure, là où les échelles de temps et de distances préalablement abordées se confondent pour donner naissance à l’incommensurable. Nous sommes si peu de choses et pourtant nous sommes une partie de cette immensité, un de ces points de jonction entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Magique, encore une fois.

Au réveil, après le traditionnel petit déjeuner composé de délicieuses tranches de pain, de confitures ou de miel, de thé et de café, nous laissons Marie-Anne et Florence qui redescendront au camion avec Immentso pour faire le plein de vivres pendant que nous gravirons le col de Chalufy.
C’est peut-être la journée la plus difficile, nos organismes sont fatigués par les efforts des jours précédents, le terrain escarpé n’est pas toujours facilement praticable, notre cohorte d’accompagnateurs s’emploient même parfois à la restauration du sentier mais, encore une fois, nous finirons tous par passer les différents obstacles et nous pourrons apprécier tous ensemble la non moins traditionnelle pause graine au milieu des edelweiss du col de Chalufy, aussi appelé col de la Vachière, à 2034 mètres d’altitude.
Ici l’air est pur, la vue est dégagée, nous ne sommes entourés que de montagnes majestueuses qui nous offrent un spectacle naturel grandiose. La douceur de ces moments justifie à elle seule la somme de nos efforts pour arriver jusqu’ici. Nous commençons à prendre l’habitude de la hauteur et des grands espaces, plus rien ne nous fait peur.

Nous rejoindrons la plaine de Jassaud en traversant les alpages pâturés sans rencontrer de troupeaux mais en profitant de la source des bergers pour faire le plein de cette eau si précieuse. Quand nous arrivons sur les lieux de notre dernier bivouac, un petit vent frais vient caresser la plaine et rafraichir l’atmosphère.

Yovann est parti à la rencontre de Marie-Anne, Florence et Immentso, qui se feront aider par deux habitants de La Valette venus nous apporter l’eau sur leur motos trial ayant traversées plusieurs fois le désert du Sahara.

En s’en allant, le jour emporte avec lui la brise et nous pourront passer une agréable dernière nuit en altitude avant d’aller apprécier la vue sur le Verdon depuis le pic de Mal Ubac où Yovann nous offrira un nouveau cours de géologie et de lecture du paysage avant que nous n’entamions la descente finale vers nos voitures.

Un dernier pique-nique au bord de la rivière, une après-midi bien-être avec masque d’argile et construction d’un petit bassin dans lequel nous pourrons découvrir les talents de nageur de Jérôme.

Puis viendra l’heure du dernier repas, au bord d’une route sur laquelle chacun repartira de son côté en emportant avec soi les quelques notes de la chanson écrite par Dominique et dont la mélodie nous rappellera désormais ces souvenirs inoubliables que nous avons construit ensemble lors d’une semaine magique à marcher autour du Cheval Blanc.

Chanson de Dominique

Musique : Greame Allright « La Ligne Holworth »

Oliver était notre guide
Notre gourou, notre chaman
Il emmenait des intrépides
Faire le tour du cheval blanc (bis)

Rendez-vous chez Serge et Yvette
Qui sont du monde paysan
Ce sont de braves gens honnêtes
Qu’ont la montagne dans le sang
Et qui savent accueillir les gens
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Manon appelait ses biquettes
Les loups rodaient aux alentours
A l’alpage moutons et chevrettes
Etaient gardés par les patous (bis)

En équilibre sur les Joëlettes
Ca secoue et on prend des coups
Faut pas croir’ qu’on est à la fête
On s’accroche, on supporte tout (bis)
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Le ciel et la géologie
Le plus calé c’était Yovan
Un guide de cet acabit
On l’attendait depuis longtemps (bis)

Y’avait ceux qui croyaient au Ciel
Et puis ceux qui n’y croyaient pas
Au bout du compte c’était pareil
Il y en avait qui étaient sympa (bis)
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On a passé le col de Faye
Le lendemain le Cucuyon
La pluie nous fouettait le visage
Nuit en bivouac, petit coup d’rhum (bis)

Petit matin dans la clairière
On a gravit le sommet Couar
Je vous assure, fallait le faire
Mais on était tous pleins d’espoir (bis)

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Descente de la crête de Causse
Des pierres, de la végétation
Ceux qui avaient pas connu de bosses
Sentent leurs muscles en béton (bis)

Puis de retour vers le Laugier
Préparé par « tante Corinne »
Un apéro nous attendait
Et la soirée y fut sublime (bis)

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Laissant Thorame et La Valette
Vers le refuge troglodyte
Ils ont monté les Joëlettes
Mais c’est déjà une redite (bis)

Et puis le col de la Vachière
Et le vallon du Chalufi
Ce fut un vraie chaudière
Sur le plateau passé la nuit (bis)
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Pic d’mal Ubac sur le Verdon
Premier cours de géologie
Décente folle dans le vallon
Là ils ont dit qu’c’était fini (bis)

Ils m’ont jeté dans le courant
Je nage enfin dans l’eau glacée
Faut dir’ qu’un bain dans le torrent
Il y a longtemps que j’en rêvais (bis)